« Le salut.

 Serions-nous tous remontés à la source de la Volga pour être sauvés ? Et si c’était vrai ? Puisque aucun d’entre nous ne rentre l’âme vide, c’est bien que chacun a trouvé quelque chose. Une image. Un mythe. La liberté. L’impulsion, le point d’où s’écoulerait une vie nouvelle, une tâche nouvelle, comme le cours d’une rivière. Ce mouvement, ce travail, peut-être a-t-il déjà commencé ? Peut-être l’accomplissons-nous à notre insu en écrivant la nouvelle géographie mythique de notre pays ? Si nous nous sommes débarrassés des têtes nucléaires et autres sinistres productions qui fondaient notre économie, nous avons également dilapidé l’image poétique de notre terre. Sans mythe, la terre est inerte, muette, vouée à l’oubli. Aucun mythe, jamais, ne pourra pousser par décret. Il ne peut naître que d’efforts fervents pour survivre, pour se « sauver », d’espoirs et de pèlerinages, de folles prophéties, de photographies, de cartes, de films, d’hommages au labeur du paysan sur sa terre, et d’un acharnement à lire tous les livres oubliés et les écrits d’improbables géographes métaphysiques à travers lesquels progressivement prendra forme un nouveau visage de la Russie du troisième millénaire... »

Espace et labyrinthes, Vassili Golovanov