Le Cabinet des Mythographes

Note d’intention

Le mythe est aussi ancien que le monde. Le mythe pose la question des origines, du retour à la source. Depuis que le monde est monde, le mythe est le vecteur primordial de la pensée magique qui a su consoler la pensée inquiète pour élaborer les fondements d’une Culture dont les racines païennes continuent d’irradier la terre qui l'a vu naître.
Le souci de transmission des mythes a permis aux hommes et aux femmes de faire société.
Survivance du mythe qui atteint tout groupe humain dans son ensemble et fait fi des hiérarchies sociales, économiques et politiques. Car le mythe ne sévalue pas seulement dans un rapport vertical entre lhomme et le divin mais dans la propension à regarder le monde autrement quavec les outils de la raison.
Ce qui différencie le genre humain du règne animal et ce qui rend les sociétés uniques, singulières les unes par rapport aux autres, cest leur capacité à inventer des histoires, à imaginer ce qui na pas lieu.

Quelques soient les lois et les modèles institutionnels, les anciens comme les modernes se sont autorisés à interpréter la réalitéla contrefaire, la rêver pour mieux la comprendrepour accorder une attention toute particulière à ce qui ne se passe pas, mais qui pourrait advenir. Acte de naissance de la mythographie.
Le mythe serait la première matrice de nos puissances imaginaires. Le mythe révèle et réveille la fiction pour donner naissance à lexpression artistique, qui est la langue des mythes. Par un échange de bon procédé, lart rend la fiction crédible en stimulant lémotion ou la transgression, la sublimation, la sédition ou la contemplation.

Il y aurait un lien de parenté entre le vers et lunivers. Un lien entre le vent et la musique, entre la vigne et le théâtre, entre locéan et la poésie. Tel est le postulat du mythographe.

La grammaire des mythes nest pas nécessairement élaborée sur des postulats esthétiques. Contenue dans des puits de mémoires, elle constitue des réserves dimagination que le langage artistique peut exhumer de manière instantanée et fulgurante. Dautres transcriptions sont possibles mais elles peineront à se fixer dans les consciences et ne laisseront pas une trace durable dans la mémoire collective. La fonction du mythographe est de glaner, de collecter, de conserver, de classer, dexposer et dalimenter ces réserves dimagination.

Autant de jeux spéculaires, de chants liminaires quil est nécessaire de comprendre, dentendre et de prolonger pour les confronter à notre réalité contemporaine, à conjuguer à tous les temps et à toutes les personnes, au singulier et au pluriel.

De la fiction, messieurs-dames, de la fiction !

En proclamant cela, nous fixons notre attention sur un impensé de lhistoire officielle. Nous revendiquons la posture du mythographe. Lorsque lhistorien dresse des généalogies de souverains, que le géographe dresse des cartes, ces auxiliaires du pouvoir sattachent à transcrire ce qui naît de la volonté de puissance, ce qui est visible, photographiable et lumineux. Le mythographe seul, tente de lire la destinée humaine en accordant une confiance surréaliste à la fiction, en arpentant des territoires qui napparaissent sur aucune carte, des royaumes sans royauté et dentrevoir le monde avec dautres yeux capables de percer lautre réalité du monde, celle qui nest pas photographiable, toute fictionnelle, sublime et monstrueuse, fragile mais de toute éternité, retenue dans lombre, innommable et immanente. Le mythographe connaît la puissance des songes. Notre imaginarium ne peut être circonscrit dans un temps et un espace linéaire et déterminé par des frontières repérables. Un mythe est une chambre déchos résonne la légende des siècles. Alors, le mythographe entretient des rapports entre les vivants et les morts, entre les lueurs de la ville et les ténèbres du cloaque. Glaner, collecter, conserver, classer des images et des sons, des odeurs et des couleurs. Ce partage du sensible sera exposé et alimentera les réserves dimagination qui pourront engendrer dautres histoires, qui pourront engendrer dautres histoires et prolonger le mythe que la Raison cherche à réduire, à retrancher de la vie réelle en confondant mythologie et mythomanie, songes et mensonges, astres et désastres.